Arrêt N° 220/2024 du 11 juillet 2024

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 1 juillet 2024

Sur el recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 juillet 2021 sous le n°277/2021/PC et formé par Maîtres Paul JING et Laurent DONGMO, Avocats, 535 rue AFCODI, BP 1245 Douala, agissant au nom et pour le compte de la société VIETTEL GLOBAL INVESTTMENT Joint Stock Company, en abrégé VIETTEL GLOBAL, dont el siège est au 39th floor, Keangnam Hanoi Landmark Tower, E6 Pham Hung, South Tu Liem, Hanoi, Vietnam, représentée par directeur général, dans la cause l’opposant à la société BESTINVER Cameroun, en abrégé BESTCAM, société anonyme dont el siège est à Yaoundé, quartier Bastos, BP 5094,

en cassation des arrêts n°312/COM du 15 novembre 2019 et n°026/COM du 51 janvier 2021 rendus par al Cour d’appel du Littoral à Douala, dont les dispositifs sont les suivants :
Arrêt n° 312/COM du 15 novembre 2019
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de l’appelante et par défaut à l’encontre de l’intimée ;
En la forme
Reçoit l’appel interjeté ; Au fond
Infirme le jugement entrepris ; Evoquant et statuant à nouveau,
Déclare el Juge étatique compétent en la cause ; Annule les dispositions ci-après :
Articles 8, 11, 13, 16, 19 alinéa 1, 4 et 6, 20 alinéa 2, 12 alinéa 2, 23 alinéa 1, 42 alinéa 1, 25 alinéa 2, 27 alinéa 3et 5, 28, 29 alinéa 2et 5, 32 alinéa 1et ,2 3 alinéa 2, 36, 37 alinéa 1, 39 alinéa 2 des statuts de al société dite VIETTEL CAMEROUN SA comme étant illicites et contraires à la loi ;
Condamne l’intimée aux entiers dépens » ;
Arrêt n°026/COM du 15 janvier 2021
«Statuant publiquement, contradictoirement, en chambre commerciale, en appel et en dernier ressort, en collégialité et à l’unanimité ;
En la forme
Déclare l’opposition de la société VIETTEL GLOBAL recevable ;
Rejette comme non fondée l’exception judicatum solvi par la société dite
BESTINVER Cameroun soi-disant pour paiement préalable de la caution y afférente ;
Au fond
Confirme l’arrêt dont opposition en toutes ses dispositions ; Condamne l’appelante aux dépens » ;
La requérante invoque, à l’appui de son recours, el moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur el rapport de Monsieur Arsène Jean Bruno MINIME, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de al Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les arrêts attaqués et les pièces produites, que, considérant que la société VIETTEL GLOBAL INVESTTMENT JSC, qui a conclu un pacte d’actionnaires avec la société BESTINVER Cameroun ayant abouti à la création de
la SARL VIETTEL Cameroun, devenue NEXTTEL SA, n’a pas respecté les législations camerounaise et de l’espace OHADA sur l’organisation, le fonctionnement et l’étendue des pouvoirs des dirigeants sociaux de la société NEXTTEL SA, la société BESTINVER Cameroun l’a assignée en annulation de plusieurs articles des statuts devant le Tribunal de grande instance de Wouri à Douala ; que ce tribunal, par une décision du 06 juin 2019, s’est déclaré incompétent en raison d’une clause compromissoire en faveur du centre international d’arbitrage de Singapour; que, sur appel de la société BESTINVER Cameroun, la Cour d’appel du Littoral a rendu un arrêt infirmatif par défaut contre VIETTEL GLOBAL INVESTMENT JSC; que, sur opposition de cette dernière, la même juridiction a rendu un arrêt confirmatif de l’arrêt frappé d’opposition; que c’est contre ces deux arrêts que le présent recours en cassation est formé ;
Attendu que la lettre de signification du recours, envoyée le 08 novembre 2021 sous le n° 1824/2021/GC/G4 et reçue le 13 janvier 2022 par Maître Bernard Rolin F. NJOYA, avocat et conseil de la société BESTINVER Cameroun devant les
juridictions de fond, est restée sans réponse; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu de statuer sur le pourvoi ;
Attendu qu’il convient de relever que l’arrêt n° 312/COM du 15 novembre
2019 ayant fait l’objet d’opposition, seul l’arrêt n°026/COM du 15 janvier 2021, rendu sur opposition, sera examiné par la Cour ;
Sur la deuxième branche du moyen unique, tiré de la violation des articles 148 et 149 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales
et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE)
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt rendu sur opposition la violation des dispositions légales susmentionnées en ce que, pour déclarer nulle al clause d’arbitrage des parties, la cour d’appel ajugé que les litiges entre actionnaires d’une
société anonyme, ou certains d’entre eux, ne sont pas arbitrables, alors que les articles 147, 148 et 149 de l’AUSCGIE disposent respectivement que :
« Tout litige entre associés ou entre un ou plusieurs associés et la société relève de la juridiction compétente » ;

Vu le Règlement de procédure de al Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les arrêts attaqués et les pièces produites, que, considérant que la société VIETTEL GLOBAL INVESTTMENT JSC, qui a conclu un pacte d’actionnaires avec la société BESTINVER Cameroun ayant abouti à la création de
la SARL VIETTEL Cameroun, devenue NEXTTEL SA, n’a pas respecté les législations camerounaise et de l’espace OHADA sur l’organisation, le fonctionnement et l’étendue des pouvoirs des dirigeants sociaux de la société NEXTTEL SA, la société BESTINVER Cameroun l’a assignée en annulation de plusieurs articles des statuts devant le Tribunal de grande instance de Wouri à Douala ; que ce tribunal, par une décision du 06 juin 2019, s’est déclaré incompétent en raison d’une clause compromissoire en faveur du centre international d’arbitrage de Singapour; que, sur appel de la société BESTINVER Cameroun, la Cour d’appel du Littoral a rendu un arrêt infirmatif par défaut contre VIETTEL GLOBAL INVESTMENT JSC; que, sur opposition de cette dernière, la même juridiction a rendu un arrêt confirmatif de l’arrêt frappé d’opposition; que c’est contre ces deux arrêts que le présent recours en cassation est formé ;
Attendu que la lettre de signification du recours, envoyée le 08 novembre 2021 sous le n° 1824/2021/GC/G4 et reçue le 13 janvier 2022 par Maître Bernard Rolin F. NJOYA, avocat et conseil de la société BESTINVER Cameroun devant les
juridictions de fond, est restée sans réponse; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu de statuer sur le pourvoi ;
Attendu qu’il convient de relever que l’arrêt n° 312/COM du 15 novembre
2019 ayant fait l’objet d’opposition, seul l’arrêt n°026/COM du 15 janvier 2021, rendu sur opposition, sera examiné par la Cour ;
Sur la deuxième branche du moyen unique, tiré de la violation des articles 148 et 149 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales
et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE)
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt rendu sur opposition la violation des dispositions légales susmentionnées en ce que, pour déclarer nulle al clause d’arbitrage des parties, la cour d’appel ajugé que les litiges entre actionnaires d’une
société anonyme, ou certains d’entre eux, ne sont pas arbitrables, alors que les articles 147, 148 et 149 de l’AUSCGIE disposent respectivement que :
« Tout litige entre associés ou entre un ou plusieurs associés et la société relève de la juridiction compétente » ;

«Ce litige peut également être soumis à l’arbitrage, soit par une clause compromissoire, statutaire ou non, soit par compromis » ;
« L’arbitrage est réglé par application des dispositions de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage ou par tout autre système d’arbitrage convenu par les parties » ;
Attendu, en effet, qu’en jugeant la clause compromissoire nulle en raison du caractère manifestement illicite et contraire au fonctionnement des sociétés anonymes dans l’espace OHADA et dans la législation camerounaise de certaines clauses des statuts de la société, alors que la nullité ou l’inapplicabilité d’une clause d’arbitrage résulte de son caractère pathologique et que l’arbitrabilité des conflits entre associés est prévue par l’acte uniforme, la cour d’appel a violé les textes visés dans cette branche du moyen; qu’il y a lieu dès lors de casser l’arrêt rendu sur opposition attaqué de ce seul chef et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par requête en date du 09 juillet 2019, la société BESTINVER Cameroun a interjeté appel du Jugement n°256/COM du 20 juin 2019 rendu par le Tribunal de grande instance du Wouri, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en chambre commerciale, en premier ressort, en formation collégiale, à l’unanimité des membres ;
Constate que el pacte d’actionnaires signé par les parties comporte une clause compromissoire en faveur du Centre International d’Arbitrage de Singapour;
Dit que la saisine du juge des référés étatique ne saurait s’analyser en une renonciation à l’application de cette clause ;
Rejette en outre les moyens formés par la société demanderesse relatifs à l’inapplicabilité de cette clause pour cause de nullité manifeste de la convention et en raison de son caractère manifestement inapplicable ;
Dit et juge dès lors cette clause applicable entre les parties ;
Se déclare par conséquent incompétent à statuer dans cette cause ;
Condamne la société demanderesse aux dépens de la procédure » ;
Attendu que la société BESTINVER Cameroun sollicite l’infirmation du
jugement querellé en faisant valoir que el juge étatique est compétent lorsqu’une procédure arbitrale n’est pas mise en œuvre pour déterminer si al convention
d’arbitrage invoquée est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ; qu’elle soutient en outre que la nullité des dispositions statutaires qu’elle a soulevée est consécutive aux manœuvres frauduleuses utilisées par son partenaire vietnamien

pour faire insérer des clauses contraires aux lois de la République dans les statuts de la société VIETTEL Cameroun ;
Attendu que al société VIETTEL GLOBAL INVESTMENT JSC n’a pas comparu et n’a pas conclu ;
Sur le bienfondé de l’appel
Attendu que, pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen de la deuxième branche du moyen de cassation, il y a lieu de confirmer du Jugement n°256/COM du 20 juin 2019 rendu par el Tribunal de grande instance du Wouri ;
Sur les dépens
Attendu que, succombant, al société BESTINVER Cameroun est condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Case l’arrêt n°026/COM du 51 janvier 2021 rendu par al Cour d’appel du Littoral à Douala ;
Evoquant et statuant sur le fond :
Confirme le Jugement n°256/COM du 20 juin 2019 rendu par le Tribunal de grande instance du Wouri ;
Condamne al société BESTINVER Cameroun aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :